Photo Géothermie Kenya Hells Gate

Le pari réussi de la géothermie au Kenya

Il a beaucoup été question de l’Afrique lors de la dernière COP27 au Caire. Avec 1,4 milliard d’habitants et une démographie dynamique, le continent africain se retrouve en effet au cœur des enjeux climatiques du 21ème siècle. C’est pour nous l’occasion de nous intéresser au secteur électrique africain, et en particulier à celui du Kenya, dont le mix électrique, renouvelable à plus de 85%, pourrait faire pâlir d’envie les pays européens.

Un paysage électrique radicalement différent

Situé au niveau de l’équateur, le Kenya est un pays relativement comparable à la France en termes de superficie (580 000 km²) et de population (56 millions d’habitants). Mais la comparaison s’arrête là car, comme dans de nombreux pays africains, le secteur électrique est bien moins développé qu’en Europe. La capacité de production électrique installée au Kenya est ainsi de 3 gigawatts (GW), soit 2% seulement de celle installée en France (139 GW). 

Cette différence s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord le Kenya est très peu industrialisé, or la consommation des entreprises représente près de 50% de la consommation d’électricité en France. Par ailleurs, avec une population majoritairement rurale, seuls 75% des Kényans sont raccordés au réseau électrique. Enfin, les usages des ménages sont beaucoup moins électrifiés : moins d’électroménager, peu de chauffe-eau électrique, etc. 

Un mix électrique le plus vert possible

Bien que très inférieures aux pays industrialisés, les capacités de production du Kenya sont en plein essor. Elles ont triplé entre l’an 2000 et aujourd’hui, et devraient encore doubler dans les 10 ans à venir selon les objectifs gouvernementaux. Surtout, l’électricité produite au Kenya est issue à plus de 85% d’énergies renouvelables, et le gouvernement vise un taux de 100% pour 2030.

Étonnamment, l’énergie solaire ne représente que 1% de la production d’électricité du pays, alors que le potentiel est énorme. Mais le Kenya a préféré miser sur ses autres ressources naturelles, à savoir l’éolien (16% du mix électrique), l’hydraulique (30%) et surtout la géothermie (41%).

schéma

Fonctionnement de base de la géothermie.

La géothermie, comment ça marche ?

Comme son nom l’indique, ce procédé consiste à utiliser la chaleur de la Terre pour produire de l’électricité. Cela est possible dans les zones volcaniques, où la chaleur du centre de la Terre remonte et réchauffe d’immenses poches d’eau souterraines. En creusant un puits à l’aplomb de ces poches, on récupère l’eau chaude et sa vapeur, qu’on utilise pour faire tourner des turbines qui génèrent de l’électricité. Dans certains cas, quand l’eau n’est pas assez chaude, on transfère son énergie à un fluide intermédiaire qui se vaporise à moindre température, et fait alors tourner les turbines.

La géothermie est considérée comme une source d’énergie renouvelable car la vapeur prélevée pour produire de l’électricité est ensuite refroidie et réinjectée sous forme liquide dans le réservoir souterrain. C’est également une source d’énergie considérée comme propre, avec une émission de 45 grammes de CO2 pour la production d’un kWh d’électricité, soit 10 fois moins que les centrales à gaz naturel et 20 fois moins que celles à charbon. Enfin c’est une des rares sources d’énergie renouvelable qui présente l’avantage de ne pas être intermittente.

Site de production

Site de production d’électricité géothermique dans le parc naturel de Hell’s gate à Naivasha. 

Avec 830 MW de capacité installée dans la vallée du Rift, hautement volcanique, le Kenya est actuellement le 8ème pays au monde pour la production d’électricité géothermique. Mais avec un potentiel total estimé entre 7 et 10 GW, soit l’équivalent d’une dizaine de réacteurs nucléaires français, le pays prévoit d’étendre significativement l’exploitation de cette ressource dans les décennies à venir. 

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La vallée du Rift au Kenya et les 14 sites de ressources géothermales identifiés (Commission de Régulation de l'Énergie du Kenya)

L’éolien et le solaire, porteurs d’avenir

Le potentiel éolien du Kenya est également significatif, estimé aux alentours de 3 GW. Or seulement 10% de ce potentiel est exploité actuellement, principalement dans le gigantesque parc éolien du lac Turkana (300 MW), le plus grand d’Afrique à ce jour. De nombreux autres projets éoliens sont ainsi en cours d’étude, dont 7 ont été validés pour une capacité de production totale proche de 400 MW supplémentaires.

Quant au solaire, cela devient l’énergie de ceux qui ne sont pas raccordés au réseau électrique - soit 25% de la population. Dans ces zones reculées du pays, on recourt à des systèmes alternatifs de production d’électricité : hier des générateurs diesel, aujourd’hui des systèmes hybrides associant panneaux solaires le jour et générateur la nuit, ou batteries rechargeables. Plus de 50% de la population non raccordée au réseau aurait ainsi accès à l’électricité grâce à ces systèmes d’énergie renouvelable décentralisés.

Un pays plein d’avenir vert

Malgré sa petite taille et des défaillances dans l’acheminement du courant, le système électrique kényan est plein de promesses, liées au potentiel énorme d’énergies renouvelables dont le pays dispose. Le gouvernement a d’ailleurs fixé des objectifs ambitieux pour 2030 et 2050, tant en termes de raccordement total de la population au réseau qu’en termes de capacités de production. Ces objectifs sont crédibles au regard des progrès et de la dynamique des 20 dernières années. De quoi voir l’avenir en vert, et nuancer nos préjugés sur le développement supposé forcément polluant des pays africains !

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Mathilde

Publié le 13 janvier 2023

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