Dîner de Noël : guide de survie face aux anti-écolos et autres chevronnés du nucléaire

Bonjour à toi, jeune recrue. Tu t’apprêtes à vivre ta première expérience de combat. Le 24 décembre au soir, tu seras parachutée dans un territoire hostile : le dîner de Noël. Là bas se trouveront tes parents sympas mais largués, ta vieille tata qui déteste l’écologie et ton grand-père climatosceptique.

Tu devras te défendre. Protéger tes idées. Ce sera dur. Alors prends ce guide avec toi : il contient tous les éléments dont tu as besoin pour faire face.

Bonne chance, soldat.

Si tu survis, on se retrouvera de l’autre côté, l'année prochaine.

Pour survivre au dîner de Noël... Il faut se préparer à la guerre !

Prêt·e·s à partir au front…

‌Situation critique #1

“J’ai vu le documentaire d’Arte : les énergies vertes c’est de l’arnaque.” ‌

Diffusé fin novembre 2020 sur Arte, La face cachée des énergies vertes a réjoui tous les ennemis ataviques de la transition écologique… Après tout, si même Arte (une chaîne réputée progressiste) ne défend plus les énergies renouvelables, c’est bien qu’elles n’ont plus personne pour elles…

Du coup, on a regardé le documentaire en entier. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il promet beaucoup, mais qu’il impressionne peu… Sur un total de 1h30, les journalistes s’attardent sur la voiture électrique… plus d’une heure ! Une dizaine de minutes seront consacrées aux panneaux solaires et dix minutes de plus aux éoliennes…

Concernant la voiture, la principale critique concerne les batteries et les terres rares qu’elles contiennent. Et c’est un vrai problème. Pas question de dire qu’une voiture électrique ne pollue PAS DU TOUT. D’ailleurs, sur ce blog, nous avons consacré un article entier à la question de “l’énergie grise” dans les voitures électriques. Néanmoins, s’il faut prendre en compte son cycle de vie complet, la voiture électrique émet toujours moins de CO2 (ou équivalent) que la voiture classique – surtout dans un pays comme la France où l’électricité est globalement décarbonée.

Concernant les panneaux solaires (qui, rappelons le, ne contiennent pas ou peu de terres rares), le documentaire dénonce seulement que la concurrence est féroce et que les Chinois dominent le marché. So what ?

Enfin, concernant l’éolien, on apprend que les pâles (2 % du poids de l’éolienne) ne sont pas systématiquement recyclées… C’est fâcheux. Mais pas insoluble. D’ailleurs le recyclage complet des éoliennes devrait devenir obligatoire d’ici 2025 – une filière spécifique est en train de se créer.

Et puis le documentaire est parfois injuste, par exemple, quand la voix off affirme (à la 59e minute) que “les prophètes de la transition énergétique balaient d’un revers de main les interrogations soulevées par les technologies vertes.”

En ce qui nous concerne, c’est faux. Tous les articles publiés sur notre blog sont là pour le prouver : on ne se voile pas la face ! Dans le fond, nous partageons la vision de ces journalistes : la décroissance énergétique est nécessaire. Néanmoins, nous croyons que cette décroissance n’est pas incompatible avec une transition vers des énergies plus propres.

Situation critique #2

“L’écologie c’est un truc de riche.”

En un sens, oui. Car les riches polluent plus que les pauvres. On peut même dire qu’à l’échelle de la planète, les 1% les plus riches polluent 2000 fois plus que les 10% les plus pauvres. Dans une moindre mesure, la même chose pourrait être dite des pays riches par rapport aux pays pauvres – les premiers devraient logiquement se sentir tout particulièrement responsables…

Néanmoins, quand on dit que “l’écologie, c’est un truc de riche”, on veut souvent dire que cela coûte cher… Que les gens ordinaires, les honnêtes travailleurs et travailleuses, n’ont pas le temps ni l’argent de s’en préoccuper… Mais c’est l’inverse qui est vrai !

D’abord, plein de gestes importants ne coûtent rien, comme trier ses déchets, ou encore, choisir un fournisseur d’énergie verte (comme Octopus Energy, par exemple 😉  : nous suivons les “tarifs réglementés de vente” qui sont les tarifs de 80% des foyers français ).

Mieux, être écolo, ça permet de faire plein d’économies. Par exemple en évitant la surconsommation et le suremballage,  en privilégiant les objets de seconde main, en mangeant moins de produits d‘origine animale, en prenant moins l’avion, en préférant les transports en commun plutôt que la voiture individuelle, et cetera.

Et puis, de toute façon, s’inquiéter de notre (unique) planète, de la survie du monde animal et végétal, ce n’est pas vraiment un truc de riche ou de pauvre… C’est juste universel.

Situation critique #3

“C’est les entreprises qui polluent, faut arrêter d’emmerder les braves gens…”

C’est vrai que les entreprises polluent beaucoup ! Mais tout le monde doit faire sa part… Si nous voulons vraiment réduire les émissions de la France, tout le monde devra faire un effort. Chaque petit pourcentage compte !

Par ailleurs, c’est bien le secteur résidentiel qui consomme le plus d’électricité (33%), devant l’agriculture et l’industrie… Éteindre la lumière ne change pas grand-chose. Mais baisser le chauffage ou la clim’, ça fait une grosse différence !

Bon, ça, c’est pour l’électricité. Mais essayons de prendre en compte toutes les activités polluantes, même celles qui ne consomment pas directement de l’énergie. Quel serait alors le secteur le plus polluant – en équivalent CO2 ? Pas de chance : c’est encore nous, les citoyens, qui faisons le pire (dans la mesure où nos véhicules contribuent grandement aux pollutions générées par le secteur des transports). Enfin, n’oublions pas également que les entreprises polluent pour répondre à NOS désirs… Par conséquent, nos choix et mode de consommation ont un impact direct sur la pollution industrielle.

Situation critique #4

“Le nucléaire, c’est l’indépendance de la France !”

C’était ! Car la France n’extrait plus d’uranium sur son territoire depuis le siècle dernier. Depuis, elle dépend du Canada, de l’Australie, mais surtout du Niger et du Kazakhstan... Tandis que le vent ou le soleil, eux, sont partout – au Kazakhstan comme chez nous.

Par ailleurs, depuis la vente de la branche énergie d’Alstom à General Electric, la fabrication et l’entretien des turbines de nos centrales est passé sous contrôle américain.

Et puis, construire des centrales semble de plus en plus compliqué… Voyez donc l’EPR De Flamanville : retards, surcoûts… Un rapport, commandé par le gouvernement en 2019, parle carrément “d’échec” et déplore la perte de compétences “généralisée” de la filière nucléaire française… Traduction : nous étions forts dans le domaine, nous ne le sommes plus.

Situation critique #5

“Le recyclage ça sert à rien, toutes les poubelles vont au même endroit…”

C’est une sorte de légende urbaine. Même s’il faut reconnaître que certains phénomènes locaux ont pu nourrir la défiance générale… Par exemple, pendant longtemps, la RATP mélangeait effectivement les poubelles jaunes avec tout le reste. Pas malin…

Par ailleurs, le recyclage est parfois difficile, voire impossible, pour des raisons techniques (erreur de recyclage, emballage trop complexe, et cetera). Les plastiques, notamment, donnent du fil à retordre ; seuls 3% des plastiques triés seraient effectivement recyclés !

Mais cette contre-performance ne doit pas nous empêcher de voir le verre à moitié plein : quand ils sont triés, presque tous les cartons, papiers, aciers, aluminiums et verres sont recyclés. C’est déjà bien.

Situation critique #6

“La décroissance, c’est pour celles et ceux qui jouent du tambourin dans la rue.”

La décroissance, ça ne veut pas dire qu’on retourne à l’âge de pierre !

Aujourd’hui, quand on parle de “croissance”, on parle seulement des augmentations du PIB. Celui-ci prend en compte toutes les productions, celles qui ont un impact positif sur la planète et les citoyens, comme celles qui ont un effet négatif.

Notre vision de la décroissance est plus complexe ! Nous ne voulons pas seulement compter les points en plus (ou en moins) sur le PIB d’un pays. Il peut être utile de réduire nos déplacements, notre consommation d’énergie, de vêtements, d’aliments très carbonés… Et se tourner vers des produits et services de qualité, vers des entreprises qui affichent avec transparence leurs méthodes de production, leur impact sur l’environnement local, leur politique sociale…

Consommons moins, mais mieux ! Et soyons plus exigeants avec les entreprises… L’économiste Timothée Parrique résume bien le choix que nous devons faire : « Pour la première fois dans l’histoire récente du capitalisme, le jeu s’arrête, et nous nous retrouvons face à cette question : voulons-nous continuer à jouer ? Et si oui, avec quelles règles ? Un plan de relance, oui, mais relancer quelle économie ? Une économie fossile et financière, sûrement pas ; une Économie Sociale et Solidaire, d’accord. »

Situation critique #7

On ne pourrait pas fonctionner avec 100% d’énergie verte.

Vaste débat ! C’est sûr que la transition demanderait quelques efforts : modifier un peu certains paysages, changer certaines habitudes de vie, faire quelques investissements… Mais “difficile” n’est pas “impossible” !

Fin 2018, l’ADEME publiait un rapport affirmant que la France pourrait fonctionner avec 100% d’énergie verte à l’horizon 2060… Les hypothèses sont forcément discutables, mais à l’ADEME, ce sont tout de même des gens sérieux.

Et pour le reste du monde ? Les scientifiques de Stanford estiment que la transition énergétique serait possible à l’horizon 2050 (avec environ 60% de solaire et 40% d’éolien) et qu’en plus, elle créerait 24 millions d’emplois.

Pour finir de s’en convaincre, il suffit de voir que plusieurs pays fonctionnent déjà avec 100% d’énergie renouvelable : l’Islande, l’Albanie, le Paraguay…

Pourquoi pas nous ?

Situation critique #8

“Avec les énergies vertes, il faudra attendre le soleil ou le vent pour que le train démarre !”

Fumisterie ! On ne sait pas stocker l’électricité, mais on sait très bien stocker l’énergie. On peut la stocker sous forme d’énergie chimique (dans les batteries), d’énergie potentielle (dans les barrages ou les stations de pompage-turbinage), d’énergie thermique (par exemple dans les nouvelles centrales solaires thermodynamiques), et ainsi de suite…

En France, on expérimente même le power-to-gas, qui consiste à transformer l’électricité en gaz par électrolyse de l’eau… Les prototypes fonctionnent de mieux en mieux. Par exemple, à Dunkerque, ville pionnière en la matière, 20% du gaz de ville est en fait d’origine synthétique – du surplus d’énergie verte.

Et puis on sous-estime souvent le rendement des éoliennes : celles-ci tournent entre 80% et 90% du temps !

Par ailleurs, il est bon de rappeler qu’aucune énergie n’est parfaite de ce point de vue. L’énergie nucléaire, dont la disponibilité est souvent vantée, est loin d’être pilotable pour s’adapter à la consommation (c’est un peu plus compliqué d’allumer et d’éteindre une centrale nucléaire que de craquer une allumette…). À tel point qu’on a longtemps encouragé les foyers français à consommer la nuit. Plutôt que de se demander comment faire marcher les panneaux solaires la nuit, on pourra commencer par arrêter de déplacer de la consommation à ce moment-là.

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Voilà, jeune recrue. Maintenant, tu sais comment survivre en territoire ennemi. Et si jamais la situation devient hors de contrôle et qu’aucune de ces techniques ne fonctionne, active en dernier recours la procédure d’urgence : respirer profondément et boire son verre cul-sec !

Benjamin

concepteur-rédacteur

Publié le 21 décembre 2020

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